Les escroqueries en matière de cryptomonnaie : une situation toujours préoccupante

Le Cabinet PSN ne cesse de constater depuis ces derniers mois l’ampleur considérable prise par les escroqueries dites à la cryptomonnaie et souhaite sensibiliser les épargnants à ces « propositions d’investissements » qui conduisent parfois à des situations dramatiques. 


Les différentes étapes de l’escroquerie

1 °  La prise de contact 

Légitimement intéressées par le fait de faire fructifier leur épargne, les victimes en cliquant sur des bannières publicitaires entrent en contact ou sont contactées par des « sociétés » proposant des investissements dans le domaine des crypto-monnaies. Ces dernières promettent tout à la fois des rendements importants, une sécurisation des montants investis et une disponibilité des fonds.


2 °  La mise en confiance de la victime

Un climat de confiance est rapidement instauré par le professionnalisme affiché des « sociétés d’investissement ». La victime est mise en contact avec des interlocuteurs dédiés tantôt « expert en crypto-monnaie », « Gestionnaire de compte » ou encore « Conseiller clientèle ». De nombreux écrits peuvent-être produits tels que des « relevés de comptes », des « bons de précommande », des « contrats de souscriptions »…. Certains de ces sites vont même jusqu’à proposer un compte en ligne permettant de suivre le cours des crypto-monnaies et les « gains » supposés générés par les remises successives des victimes. 


3°  Les remises croissantes effectuées par la victime

Des sommes minimes sont d’abord sollicitées par les escrocs en guise de « test » ou au titre de supposés « frais d’ouverture de compte ». Très vite, la victime constate les performances importantes de ces investissements via l’interface de son « compte » en ligne ou encore par la production de « situations de compte » émanant des escrocs. Parfois, certaines sommes sont même créditées sur le compte de la victime en vue d’attester de la gestion performante des « sociétés d’investissements ».

Mise en confiance, la victime augmente alors les remises pensant potentialiser les gains à venir. De fait, ces derniers ne font en apparence que croître et suscitent chez la victime le souhait légitime de disposer d’une partie de ces gains affichés. 


4° Un déblocage contrarié

Lorsque la victime émet le souhait de disposer de ses gains, différents motifs sont avancés par les escrocs pour justifier le blocage des fonds. Parfois une simple « difficulté technique » est avancée (panne des serveurs, « burn-out » du conseiller en charge…).

Le plus souvent le paiement d’une taxe ou d’un impôt est exigé afin de permettre le déblocage des fonds (« impositions sur les transactions financières », « taxes locales »). Le paiement de ces taxes imaginaires ne déclenche aucun paiement en faveur de la victime.

Cette dernière se voit le plus souvent informée de nouvelles difficultés techniques ou de l'existence de nouvelles taxes dont le paiement assurera « cette fois-ci » le déblocage des fonds. Il convient de noter que cette dernière étape fait souvent intervenir de nouveaux interlocuteurs présentés comme les supérieurs hiérarchiques des précédents (« Directeur Financier », « Directeur Général »…).


5° L’indisponibilité des interlocuteurs

L’ultime étape est l’indisponibilité pure et simple des personnes qui se prétendaient conseillers de la victime. Les escrocs ne répondent plus au téléphone, la victime ne dispose plus d’accès à son « compte crypto », le site internet est inactif. Le plus souvent le silence des escrocs sera justifié auprès de la victime comme la conséquence du non-paiement des taxes exigées.


Les indices qui doivent alerter

1° « Trop beau pour être vrai... » 

Les arnaques à la crypto-monnaie reposent toutes sur le paradoxe suivant : la promesse de rendements exceptionnels et garantis issus d’un investissement indexé sur des crypto-monnaies. Dans un contexte d’extrême volatilité des crypto-monnaies ce paradoxe tient de la gageure et doit alerter immédiatement.
 

2° Ne pas se laisser abuser par la transmission de documents « bancaires » 

Certaines victimes sont rassurées par ce qu’elles jugent être l’existence d’un compte au sein de la « société d’investissement » intégrant les remises successives et capitalisant les gains accumulés. Malheureusement, la production de « relevés de situation » ou encore l’existence d’un compte en ligne sont des manœuvres constitutives d’une mise en scène et sont de nature à fonder le dépôt d’une plainte pour escroquerie.

Plutôt que l’apparence générale des documents, l’investisseur devra s’intéresser aux  mentions légales sur le site (inexistence, imprécision, incohérence devront alerter).

3° Ne pas se laisser abuser par la présence de grands noms

Dans les documents de présentation transmis à leurs victimes, les escrocs n’hésitent pas à mettre en exergue des associations, partenariats avec des banques ou des cabinets d’audit et de conseils de premier plan. Le Cabinet a pu également constater l’usurpation d’identités d’authentiques sociétés de conseils ou de banquiers afin de bénéficier des agréments et autorisation de ces derniers. La présence de grands noms ou d’adresses prestigieuses (à Londres notamment) n’est pas une garantie de sérieux suffisante.

4° Se méfier des banques situées à l’étranger et à la réputation confidentielle

Afin de rendre possible les virements à leur profit, les escrocs transmettent leurs coordonnées bancaires aux victimes. Le constat de la domiciliation auprès d’une banque à la réputation confidentielle et située à l’étranger même en Europe (Portugal, Espagne, Pologne…) devra inciter à la méfiance.  


5° Ne pas effectuer de virements additionnels au motif de régler une taxe 

Les escrocs conditionnent le plus souvent le déblocage des fonds au paiement d’une taxe. Le plus souvent la confusion est entretenue avec la récente mise en place en France d’une taxe correspondant à 30 % de la plus-value réalisée sur les crypto actifs.

En aucun cas cette taxe ne doit être acquittée par la société qui a supposément investi les sommes remises en crypto devises.

Aucun impôt, aucune taxe ne justifie un versement complémentaire de nature à permettre le déblocage des fonds par la société d’investissement.
La probabilité de restitution des sommes investies par ces sites que ce soit spontanément ou après le versement de taxes imaginaires
est nulle.


Les réflexes à adopter

 Avant de confier son argent, l’investisseur devra procéder aux vérifications suivantes :

1° Consulter le site de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF)

L’AMF s’est émue de la recrudescence des arnaques en lien avec les crypto-actifs et a notamment publié une liste noire des sites proposant des produits dérivés sur crypto-actifs consultable ici . Au moindre doute, il est également possible de prendre contact avec l’AMF aux numéros suivants :
AMF Epargne Info Service au 01 53 45 62 00
Assurance Banque Epargne Info Service au 0 811 901 801 

2° Consulter les sites de références en matière de crypto-monnaies

Face à la multiplication des sites proposant des investissements en crypto-monnaies, la liste dressée par l’AMF ne peut prétendre à l’exhaustivité.

L’investisseur devra donc se renseigner sur les forums en ligne spécialisés dans les crypto-monnaies. Certains sites de références dressent des listes mises à jour de sociétés suscitant a minima des interrogations quant à leur sérieux. 

La présence du nom de la société concernée ne constitue par une présomption irréfragable de fraude mais les éléments mis en exergue par le site pour justifier sa présence dans la liste des escrocs potentiels alimenteront utilement la réflexion de l’investisseur.

3° Ne pas se décider seul et de manière précipitée

 Les escrocs instaurent un climat d’urgence visant à empêcher la victime :

  • de procéder aux vérifications élémentaires (suivi du cours des crypto-monnaies concernées par exemple, étude attentive des documents de présentation) ; 

  • de se renseigner auprès de personnes averties (banquier, avocat, expert-comptable par exemple) ou de prendre conseils auprès de proches. 

  • Un investissement est une décision lourde qui engage. Là encore la pression exercée par les supposées « sociétés d’investissement » sera un indicateur d’une probable escroquerie.


Une situation préoccupante et toujours d’actualité

Dans un contexte d’atonie des solutions d’épargne dites « traditionnelles » (caractérisé notamment par une faible rémunération des Livrets) les investisseurs se tournent naturellement vers des solutions d’investissement à rendement élevé.

Crypto-monnaies et en particulier le Bitcoin qui a connu une flambée spectaculaire durant l’année 2017 sont le domaine d’élection pour certains de ces investisseurs.

Ces derniers peuvent, par ailleurs, être rassurés par ce qu’ils perçoivent comme une institutionnalisation des crypto-monnaies (intérêts des grandes banques et des fonds d’investissements, valeur refuge, promesse des avancées de la technologie Blockchain, spéculation de cours élevé dans un avenir proche).

Dans les faits, les victimes des escroqueries à la crypto-monnaie ont le plus souvent engagé une majeure partie de leur épargne. Se sentant acculées face aux sommes déjà investies, certaines personnes se sont même endettées en vue de régler les taxes demandées par les escrocs. 


Que faire en cas d’escroquerie ?

Le plus souvent par sentiment de honte, les personnes victimes de ces escroqueries hésitent à porter plainte et même à en parler à leurs proches.

Le dépôt d’une plainte pénale qui selon la nature des faits peut revêtir les qualifications d’escroquerie, d’extorsion et / ou d’abus de faiblesse permet à la victime de faire valoir ses droits et de solliciter l’engagement de l’action publique et des investigations associées.

Du fait de la nature des éléments constitutifs de l’infraction d’escroquerie, la rédaction d’une plainte détaillée accompagnée de l’ensemble des éléments probants est fortement préconisée.

La localisation probable des auteurs à l’étranger ne doit en aucun cas dissuader la victime de faire valoir ses droits ou de consulter un avocat afin d’étudier l’ensemble des actions envisageables.

Les personnes qui pensent avoir été victime d’une escroquerie ou d’une tentative d’escroquerie à la crypto-monnaie peuvent contacter le Cabinet PSN qui les assistera dans les actions indispensables à la récupération de leurs investissements.

Paul Sturbois-Nachef
Avocat à la Cour