PSN Avocats – Droit pénal & Contentieux fiscal | 2023 ©

View Original

Les prérogatives de l’administration fiscale dans le cadre de la procédure administrative dite du « contrôle fiscal » - Janvier 2019

Au sein de l’administration fiscale, la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) est compétente pour procéder aux redressements fiscaux. Elle dispose dans ce cadre de procédures qui lui sont propres et qui lui confère un large pouvoir d’investigation et de sanctions.

 

Un droit de vérification

 

L’une des premières prérogatives de l’administration fiscale est le contrôle des déclarations et de l’ensemble des documents fiscaux des contribuables.

Cette vérification peut s’effectuer via une demande de renseignements mais également par un contrôle sur pièces ou sur place. Depuis le 1er janvier 2007[1], l’administration a également la possibilité de recourir à des experts publics ou privés pour l’accomplissement de sa mission.

Le champ d’intervention de l’administration est très large quant à son objet car il peut porter sur la comptabilité et l’ensemble des documents concourant à l’établissement de l’impôt.

Ce droit de vérification est encadré par certaines garanties accordées au contribuable.

L’article L51 du Livre des Procédures Fiscales prévoit que l’administration fiscale ne peut procéder à une nouvelle vérification de comptabilité concernant des impôts préalablement contrôlés sur la même période. Cette garantie ne trouvera cependant pas à s’appliquer dans l’hypothèse où le contribuable a fourni des renseignements inexacts ou incomplet durant le contrôle. Il en va de même si l’administration agit dans le cadre d’une procédure de flagrance fiscale.

Une des garanties accordées au contribuable réside dans la fixation d’une durée limite de vérification. Concernant les entreprises et sous réserve du respect de certains seuils fixés par le Code Général des Impôts, la durée normale de vérification sur place est de trois mois. Cette durée peut être portée à six mois dans certaines circonstances telles que la découverte d’activité occulte ou des irrégularités graves[2].

Préalablement à l’engagement de la procédure de vérification, l’administration fiscale doit remettre au contribuable la « charte des droits et obligations du contribuable vérifié ». Les dispositions de la charte, opposables à l’administration, sont un rappel des droits au dialogue et au contradictoire dont bénéficie le contribuable.

Figurent également au sein de la charte :

  • L’obligation de loyauté et d’équité dont l’administration fiscale doit faire preuve vis-à-vis du contribuable.

  • La possibilité pour le contribuable de saisir le supérieur hiérarchique immédiat du vérificateur puis l’interlocuteur départemental.

  • Alors que le défaut de remise de la charte ne constitue pas une nullité de la procédure, l’omission d’informer l’assujetti de son droit d’être assisté ainsi que l’absence de débat oral et contradictoire constituent des irrégularités susceptibles de conduire à l’annulation de la procédure judiciaire[3].

 

Un droit de reprise

Le droit de reprise, corollaire du droit de contrôle de l’administration, consiste à réparer les omissions, les erreurs et les insuffisances constatées dans l’assiette de l’impôt à l’issue de la période de vérification.

Le droit de reprise est encadré dans un délai de reprise qui est le délai à l’issue duquel l’administration fiscale ne peut plus procéder à des rectifications d’impôts. C’est en quelque sorte le délai de prescription de l’administration fiscale et ce délai varie en fonction des impositions concernées.

L’article 169 du LPF fixe dans son alinéa premier pour l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu, le principe suivant lequel le délai de reprise expire à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.

Ce délai de principe connait de nombreuses exceptions et peut se voir allongé, notamment, en cas de recours à l’assistance administrative internationale, en cas de flagrance fiscale ou encore en cas d’omission de déclaration de la part du contribuable.

La suspicion d’une fraude fiscale peut également être de nature à allonger les délais de reprise.

Le délai de reprise ne doit pas être confondu avec la prescription de l’action en recouvrement de l’impôt. Cette dernière vise l’hypothèse dans laquelle l’administration fiscale n’a pas procédé aux diligences nécessaires pour le recouvrement de l’impôt suite à l’envoi de l’avis de mise en recouvrement.

L’article 274 du LPF dispose dans ce cadre que les comptables publics de l’administration fiscale qui n’ont engagé aucune poursuite contre un redevable dans les quatre années qui suivent la mise en recouvrement de l’impôt perdent toute possibilité d’action contre ce redevable.

Il convient de souligner que, comme en matière pénale, ce délai peut être interrompu par certains évènements comme la notification d’une proposition de rectification.

 

Un droit de rectification 

Le droit de rectification intervient à l’issue de la période de vérification mentionnée supra.

A l’issue de cette période débute une phase d’échange dans laquelle l’administration va tout d’abord faire connaitre au contribuable ses propositions de rectification. Sur la base de ces dernières, le contribuable fera alors des observations sur les redressements envisagés.

Cette procédure contradictoire n’est pas applicable à toutes les impositions, certaines taxes telles que le droit de timbre échappent à ce cadre.

La proposition de rectification est elle aussi encadrée par un certain nombre de garanties.

La proposition de rectification doit faire mention des textes légaux sur lesquels est fondé le redressement.

L’identité de l’agent de l’administration doit être indiquée sur le courrier de proposition.

La Cour de cassation[4] a considéré que la proposition de rectification devait être adressée à la dernière adresse communiquée par le contribuable à l’administration fiscale sous peine de nullité de la procédure.

Le droit de rectification de l’administration fiscale s’associe également à un pouvoir de sanction. Ces sanctions correspondent aux finalités précédemment établies.

Ainsi les sommes recouvrées peuvent être assorties d’un intérêt de retard. Cet intérêt de retard (0,4 % par mois de retard ou 4,8 % par an) n’est pas une sanction stricto sensu mais vise plutôt à réparer le préjudice subi par le Trésor public du fait du retard dans le paiement des droits éludés.

Le recouvrement des droits éludés peut également s’accompagner de sanctions pécuniaires appelées majorations de droits. Ces majorations visent à sanctionner le retard ou encore la négligence du contribuable. Ces pénalités s’échelonnent de 40 % à 100 % des droits éludés dans l’hypothèse d’une opposition à contrôle fiscal.

 

Un droit de communication

Le droit de communication de l’administration fiscale est défini par les articles L81 à L96 du LPF. Conformément à ces dispositions, le droit de communication peut se définir comme le droit reconnu à l’administration fiscale de prendre connaissance de documents détenus par des tiers.

Les modalités de communication entre l’administration fiscale et l’autorité judiciaire seront explosées en détail infra.

Outre l’autorité judiciaire d’autres entités sont tenues de respecter un devoir de communication à l’administration fiscale. Il en est ainsi notamment de l’autorité de contrôle prudentiel et de l’Autorité des Marchés Financiers, laquelle ne peut opposer à l’administration fiscale le secret professionnel[5].

L’étendue des documents soumis au droit de communication de l’administration est très large. L’administration peut avoir accès notamment aux relevés de comptes étrangers des contribuables, aux informations concernant les logiciels et systèmes de caisses utilisés par le contribuable, aux documents comptables, aux rapports de gestion des sociétés[6].

Si le droit de communication a un champ d’application étendu, son exercice est encadré.

Ainsi lorsque le droit de communication est exercé au cours de la période de vérification définie supra, l’exigence du débat oral et contradiction attachée à cette phase de la procédure s’applique également à l’analyse des pièces consultées.

L’administration fiscale doit informer le contribuable de la nature des éléments recueillis dans le cadre du droit de communication[7] sauf si ces éléments sont nécessairement connus du contribuable.

Si le droit de communication s’exerce en dehors de la procédure de vérification, l’exigence de débat oral et contradictoire ne s’applique pas aux éléments collectés.

 

Un droit d’enquête et de visite

L’administration fiscale dispose de pouvoirs spécifiques d’investigations concernant certains impôts et certaines activités économiques.

Elle dispose, par exemple, d’un droit d’enquête qui est une procédure qui permet de rechercher les éventuels manquements aux règles de facturation en matière de TVA[8].

Ce droit d’enquête permet donc de relever le défaut de facturation, la fausse facturation ainsi que les facturations incomplètes ou erronées.

Cette recherche peut être menée dans les locaux de l’entreprise ou sur convocation dans les locaux de l’administration fiscale.

Le droit d’enquête ne permet pas la saisie des documents mais seulement la prise de copie. L’enquête peut déboucher sur une procédure de vérification et de rectification en matière de TVA. Elle peut également être le prélude à une plainte pénale de l’administration pour fraude fiscale.

Un droit similaire d’accès et de contrôle encore appelé droit d’exercice[9], permet à l’administration fiscale en matière de contributions indirectes de pénétrer dans les locaux des professionnels sans autorisation judiciaire et formalités préalables afin d’effectuer un inventaire des stocks pouvant déboucher sur leur saisie en vue de leur confiscation.

Il convient de préciser que ce droit d’exercice ne permet pas la fouille et l’exercice de mesures coercitives.

La présomption de fraude fiscale permet également à l’administration fiscale de recourir et des visites domiciliaires sur le fondement de l’article 16 du LPF. Ces procédures doivent être avalisées par le juge judiciaire.

 

Un bilan 

L’administration fiscale dispose donc d’un large panel de moyens d’actions aux fins de mener à bien la lutte contre les comportements antifiscaux. Mais pour quels résultats ?

L’année 2015 a été une année record pour les contrôles fiscaux. L’administration avait alors notifié pour 16,2 milliards d’euros de redressement fiscaux. Le Ministère de l’Economie de des Finances expliquait ces résultats exceptionnels par la conjonction de divers facteurs tels que le renforcement de la lutte contre la TVA, une meilleure des flux économiques entre entreprises de même groupe ainsi qu’une amélioration des outils de contrôle fiscal[10].

 En 2016, l’administration fiscale a notifié des redressements fiscaux pour un montant de    14,5 milliards soit une baisse de 1,7 milliards d’euros. Ces montants visent les montants notifiés et non les sommes réellement encaissées.

2017 a vu une deuxième année consécutive de baisse des montants réclamés au titres du contrôle fiscal. Ce sont près de 13,5 milliards d’euros de « droits et pénalités » qui ont été réclamés par l’administration.

 

 

Les explications avancées par l’administration fiscale pour justifier ce recul sont :

  • la baisse des redressements effectués dans le cadre de la cellule de régularisation des actifs détenus à l’étranger fermée en décembre 2017 ; 

  • la fonction dissuasive du contrôle fiscal et des pénalités afférentes ;

  • et enfin, un problème plus structurel de manque de moyens humains affectés aux opérations de contrôle fiscal.

[1] Article 99 de la Loi de finances rectificative pour 2006 – Loi n°2006-1771.

[2] Article L52 du Livre des Procédures Fiscales.

[3] Arrêt  de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 19 mai 1999 n°98-80.267.

[4] Arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date 24 juin 1997 n°95-14.780.

[5] Article L.84 E du LPF.

[6] Document visé par l’article L.232-1 du Code de commerce.

[7] Arrêt du Conseil d’Etat en date du 13 décembre 2006 n°280131.

[8] Articles L.80 F à L.80 J du LPF.

[9] Article L.26 du LPF.

[10] Article en date du 3 mars 2016  sur le site economie.gouv.fr « 2015 : année record pour le contrôle fiscal ».